Tagué: pensée

LANGAGE ET PENSEE 4

De l’usage du langage dans nos sociétés post-industrielles

  • Orwell, Georges, 1984, Paris, Gallimard, 1972, [1949]
  • Illich, Ivan, La Convivialité, Paris, Seuil, 1973
  • Illich, Ivan, Œuvres complètes, Volume 2, Paris, Fayard, 2005

Le Travail fantôme, [1981]

Le Genre vernaculaire, [1983]

Si le langage et la pensée se construisent ensemble, comme l’explique Jean Piaget, on peut alors se demander jusqu’à quel point le langage que nous apprenons nous influence dans notre relation au monde. Le langage est-il un outil vierge permettant à un individu de construire de manière autonome sa pensée, ou est-il au contraire un moyen de conformer un individu et de le contrôler jusque dans son expérience directe et quotidienne du monde ?

Un exemple explicite d’un possible diktat par le langage est développé dans le roman 1984, une fiction anti-utopique, de Georges Orwell. Il y est décrit une société totalitaire future inspirée du modèle soviétique où règne une police de la pensée et une nouvelle langue, la novlangue, dont les principes ne sont fondés que sur des buts politiques. Au service d’un monde parfaitement totalitaire, ce nouveau langage est créé à partir de notre langue actuelle modifiée et épurée.

La novlangue s’attaque directement à la pensée. En réduisant son vocabulaire et en se restreignant sémantiquement, elle prive les individus de la capacité de conceptualiser et de réfléchir par eux-mêmes. La novlangue va jusqu’à inverser certains sens des mots, avec par exemple les slogans « l’esclavage, c’est la liberté » ou encore « la guerre, c’est la paix ». D’autre part, toutes les façons de penser qui sont contraires à la philosophie du parti ne sont représentées que par un seul terme novlangue : « crimepensé ».

Syme, un collègue de Winston (le personnage principal), en charge du dictionnaire novlangue, explique le but du novlangue : « Ne voyez-vous pas que le véritable but du novlangue est de restreindre les limites de la pensée ? A la fin nous rendrons littéralement impossible le crime par la pensée car il n’y aura plus de mots pour l’exprimer. »

Cette fiction montre que notre représentation du monde permise par le langage est fragile et qu’elle peut facilement être ébranlée. En effet, la manipulation du langage permet d’aboutir à une société homogène dont l’évolution est freinée et censurée, et devant laquelle l’individu s’efface. Le langage permet de véhiculer une idéologie donnée et c’est la construction de la pensée même des individus qui en est altérée.

Ce roman pose donc la question de notre véritable capacité à penser librement et des effets que celle-ci provoque sur la construction d’une société donnée. Devrions-nous craindre d’être intellectuellement réduit par notre propre langue ? Sommes-nous en proie à ce totalitarisme linguistique ?

Ces questions sont soulevées par Ivan Illich, philosophe et sociologue autrichien né en 1926, qui s’attache à montrer les failles d’un système pernicieux qui se met en place depuis le début du XXème siècle dans les sociétés occidentales. Il nous expose comment les institutions, outils sociaux de l’homme, se retournent peu à peu contre leurs objectifs. Les monopoles et les ambitions de celles-ci finissent par conditionner l’homme et lui nuire. Pour lui, le langage a lui aussi pâti du système capitaliste industriel au même titre que les institutions politiques.

Le Travail fantôme écrit en 1981, est constitué de cinq essais qui découlent des ses expériences passées en Amérique latine. Il développe alors les valeurs vernaculaires qu’il a pu observer et oppose la répression du domaine vernaculaire à la recherche des conditions d’une société conviviale qu’il cherche à définir.

Ivan Illich explique son choix d’utiliser la notion de « vernaculaire » par son étymologie :

« Le mot « vernaculaire », emprunté au latin, ne nous sert plus qu’à qualifier la langue que nous avons acquise sans l’intervention d’enseignants rétribués. A Rome, il fut employé de 500 av. J.-C. à 6OO ap. J.-C. pour désigner toute valeur engendrée, faite dans l’espace domestique, tirée de ce que l’on possédait, et que l’on se devait de protéger et de défendre bien qu’elle ne pût être un objet de commerce, d’achat ou de vente. Je propose que nous réactivions ce terme simple, vernaculaire, par opposition aux marchandises et à leur ombre. »


 

Il s’intéresse ensuite à la nature même du langage et oppose la « langue vernaculaire » qui s’acquiert progressivement par une relation matérielle directe aux choses et aux gens, à la « langue maternelle », qui désigne la langue inculquée qui s’acquiert par l’intermédiaire des institutions.

Il développe pour cela l’exemple de Nebrija, « créateur » de la langue et de la grammaire castillane, au service de la puissance royale et chrétienne de la couronne espagnole. Comme dans 1984, le pouvoir est affermi par l’abolition des patois locaux et l’uniformisation du langage. L’analyse de cet exemple constitue pour l’auteur la métaphore et le point de départ de l’inculcation d’une langue maternelle industrielle.

« Ce passage du vernaculaire à une langue maternelle officiellement enseignée est peut-être l’événement le plus important –et pourtant le moins étudié- dans l’avènement d’une société hyperdépendante de biens marchands. » 



Selon Ivan Illich, la langue maternelle inculquée est donc dès lors un langage tronqué qui véhicule une idéologie marchande, où les mots sont détachés des valeurs intrinsèques des objets ou des concepts qu’ils désignent. Le langage officiel aurait ainsi pour conséquence de restreindre le champ de notre perception et de nous plier aux conditions de la société post-industrielle dans laquelle nous vivons.

Dans La Convivialité, Ivan Illich évoquait déjà le problème du langage, dans une partie intitulée La redécouverte du langage. Le « recouvrement du langage » lui semble une condition importante pour sortir de ce qu’il lui paraît être le totalitarisme de l’industrie. « Le langage réfléchit la matérialisation de la conscience », et donc en parlant le langage industriel, nous véhiculons non seulement son paradigme, mais exprimons aussi le fait que nous portons ce paradigme en nous : « L’homme lui-même est industrialisé ».

Sortir de ce système aliénant et destructeur exige que l’on use d’un langage qui échappe à sa logique, comme le langage vernaculaire qui n’a pas encore été « dégradé » par la perversion du système industriel.

Le langage pourrait constituer un outils primordial pour libérer le champs d’action dont les individus ont été privé :

« Si nous n’accédons pas à un nouveau degré de conscience, qui nous permette de retrouver la fonction conviviale du langage, nous ne parviendrons jamais à inverser ce processus d’industrialisation de l’homme. Mais si chacun se sert du langage pour revendiquer son droit à l’action sociale plutôt qu’à la consommation, le langage deviendra le moyen de rendre sa transparence à la relation de l’homme avec l’outil. »

C’est en rédigeant une critique sur le genre intitulée Sexisme et croissance économique, dans le discours du Genre vernaculaire, qu’Ivan Illich se sent véritablement lui-même piégé par le langage.

« Il m’a été difficile de formuler ma pensée. Beaucoup plus que je ne l’imaginais au départ, le parler ordinaire de l’ère industrielle tout à la fois ignore le genre et est sexiste. Je savais que le genre est dual, mais mes idées étaient constamment faussées par la perspective hors genre qu’impose nécessairement le langage industrialisé ».

 

Il ajoute plus loin : « Aussi, en entreprenant cet essai, je me suis trouvé, linguistiquement, dans un double ghetto : ne pouvant pas employer des mots dans leur “résonance” traditionnelle du “genre”, ne voulant pas les prendre dans leur sens sexiste actuel. »

Il s’efforce d’éviter les « mots-clés » tels que « travail », « sexe », « énergie », « production », « développement », termes caractéristiques du langage moderne qui ont une apparence de sens commun et ont une grande force d’évocation, sans renvoyer à rien de concret dont on puisse faire l’expérience.

La pensée d’Ivan Illich est déformée par le langage moderne qui porte en lui-même une idéologie technologique et politique.

Christina, Juliette, Misia, Muriel.

LANGAGE ET PENSEE 3

Au commencement était la parole…

Les stades de l’intelligence selon Piaget

0-2 Stade sensori-moteur

2-7 Stade de représentation ou stade avant les opérations «concrètes» de la logique

7-12  Stade des opérations «concrètes» de la logique

12-18 Stade des opérations «concrètes» formelles

Les stades a et b

le stade sensori-moteur et le stade de la représentation

Les seules formes d’intelligence qu’a un bébé de 8 à 10 mois sont de nature sensori-motrice (sans autres instruments que la perception et le mouvement) donc, le bébé est piégé dans les limites de ses champs de perception (dans les frontières de l’espace et le temps) lorsque le langage apparait environ a 2 ans il se provoque un changement profond dans la pensée.

L’enfant devient donc capable d’évoquer des situations non actuelles et des objets qui ne sont pas atteints en leur immédiateté perceptive (le chat qu’il a vu hier ou son jeu qui se trouve dans la pièce à coté).

Il se libère alors du temps et de l’espace immédiat.

Comme ça les notions naissent et la pensée s’enrichit, Watson (behaviorist) avait conclut que le langage est la source de la pensée, mais Piaget s’est aperçut que la pensée est présente aussi au premier stade d’intelligence sous des dérivés de l’imitation qui sont : le jeu symbolique, l’imitation différée et les symboles oniriques.

En introduisant la fonction symbolique qui préexiste du langage, Piaget considère que cette fonction est plus vaste et inclut le langage, la communication non verbale, l’imitation et le jeu symbolique.

Avant le langage les représentations qui se créent par le jeu symbolique et l’imitation sont assez restreintes et confuses, mais dans le temps ils évoluent. À la psychopathologie ce geste démonstratif non verbal n’existe pas et il peut être un premier signe d’autisme (les enfants autistes ne montrent pas avec le doigt et ne peuvent pas partager leur attention avec les adultes)

Le propre de la fonction symbolique consiste en une différentiation des signifiants (signes et symboles) et des signifiés (objets ou événements). Avec le langage ces deux caractéristiques s’enrichissent et peuvent être réactivées par la mémoire pour faciliter l’intelligence par ces représentations. Donc on peut conclure que la pensée préexiste du langage, MAIS, c’est seulement grâce au langage que la pensée va se transformer profondément et trouver sa capacité de catégorisé par la schématisation et obtenir des capacités d’abstraction.

…mais si la parole n’existe pas sans la pensée?

Le stade c

Le langage et les opérations « concrètes » de la logique

Depuis les 7-8 ans jusqu’à l’âge de 11  l’enfant passe à l’époque des opérations concrètes (opérations additives et multiplicatives de classes et de relations : classification, sériations, correspondances, etc.)

Mais ces opérations ne recouvrent pas toute la logique des classes et des relations et elles ne constituent que des structures élémentaires de « groupements » consistants en semi-lattis et en groupes imparfaits qui se complètent vers 15ans.

Le langage n’est pas la seule source de la pensée logique.

ex. * Tous les Oiseaux (= classe A) sont des Animaux (=classe B), mais tous les Animaux ne sont pas d’Oiseaux, car il existe des Animaux non-Oiseaux (=classe A’) le problème est alors de savoir si les opérations A+ A’  = B et A= B-A’  proviennent du langage seul, qui permet de grouper les objets en classes A, A’ et B, ou si ces opérations ont des racines plus profondes que le langage. Avant le langage, il y a d’abord les actions puis, elles deviennent pensées. Les opérations +, – , sont des coordinations entre actions avant de pouvoir être transposées sous une forme verbale, et ce n’est donc pas le langage qui est la cause de leur formation. Le langage cependant joue un grand rôle, car il aide à la généralisation, à la mobilité, etc.

Dans les trois premiers stades nous constatons donc que le langage ne suffit pas à expliquer la pensée car ses structures trouvent leurs racines a) aux actions b) aux mécanismes sensori-moteurs.

Le langage est une condition nécessaire, mais non suffisante de la construction des opérations logiques. Il est nécessaire, car sans le système d’expression symbolique que constitue le langage, les opérations demeureraient à l’état d’actions successives sans jamais s’intégrer en des systèmes simultanés ou embrassant simultanément un ensemble de transformations solidaires. Sans le langage, d’autre part, les opérations resteraient individuelles et ignoreraient par conséquent ce réglage qui résulte de l’échange interindividuel et de la coopération.

Conclusion, le langage et la pensée sont interdépendants et se construisent ensemble, mais l’intelligence elle-même est antérieure au langage et indépendante de ce dernier.

Christina, Juliette, Misia, Muriel.

LANGAGE ET PENSEE 2

Cas d’étude : l’apprentissage du langage  chez les jumeaux !

L’interview du jour !

1. Quel âge ont vos enfants ? de quel sexe sont-ils ?

Ils ont 2 ans, un garçon et une fille

2. Présentez vous

J’ai 32 ans, infirmière en congé parental ; pas d’autre enfant

3. Qu’est-ce que le langage selon vous?

Pour moi le langage est l’aptitude à communiquer, s’exprimer, et ce, de différentes manières (avec des mots, des signes, des gestes, des dessins, des attitudes…). Mais dans le cas de mes enfants, je distingue le langage verbal (qu’ils sont en train d’acquérir) des autres moyens de communications que les bébés mettent en œuvre avant de pouvoir parler.

4. A partir de quel âge le langage a commencé chez vos enfants? De quelle manière?

Si le langage est en effet la capacité à communiquer : la communication entre mes enfants a commencé pendant la grossesse et je ne peux pas dire à quel moment exactement (aux échographies ils étaient tous les deux en communication par le toucher: coups, contacts entre eux). La communication entre eux et moi a aussi débuté pendant la grossesse : à quelques mois de vie intra-utérine,  si je donnais de petits coups sur mon ventre avec ma main, mes bébés répondaient eux aussi par des coups.

Puis, dès la naissance le langage par les pleurs commence, pour exprimer des besoins (qu’ils n’ont pas dans le ventre de maman) que ce soit la faim, la soif, le besoin d’être changé, d’être rassuré, d’être dans les bras de maman.

On observe aussi une attitude corporelle qui traduit ce qu’ils ressentent (corps détendu, sommeil quand tout va bien, et corps crispé quand ça ne va pas, par exemple).

Ils réagissent aussi à mes attitudes, le ton de mon langage parlé : une attitude calme de ma part les calme, et inversement : si je suis énervée, ils le sont aussi, et pleurent si je ne vais pas bien; ils sont dès la naissance très réceptifs à l’ambiance qui règne autour d’eux.

Au bout de quelques mois, ils « parlent » à leur manière : ils gazouillent, sourient pour exprimer leur contentement. (vers 4 mois???)

Puis l’apprentissage de la parole débute vers un an environ.

5. Le langage évolue-t-il différemment chez chacun de vos jumeaux?

L’évolution du langage est différente pour chacun de mes 2 enfants.

Concernant le langage verbal :

Ma fille  commence un babillage très « poussé » à 7 mois (phrases dans un langage de bébé mais avec des intonations propres à ses émotions du moment, avec donc un but précis; je pense en particulier à un jour où elle n’était pas contente et m’a disputé en criant pendant une trentaine de secondes; il n’y avait pas les mots, mais tout le monde a tout compris).

Puis elle reste sur cette étape de l’apprentissage de la parole jusqu’à ses 15 mois où elle prononce son 1er mot : « maman » aussi bien pour dire maman que papa.

Elle apprend à prononcer quelques mots les mois suivants, mais il faut attendre ses 22 mois pour qu’une évolution brutale intervienne : elle se met à répéter beaucoup de mots, et même si ce n’est pas le bon son qui sort, elle met le bon nombre de syllabes et insiste. Elle imite quelques animaux vers 20 mois.

Quant à mon fils, il commence de parler avec de vrais mots plus tôt. A 12 mois il dit son 1er mot (maman); il gazouille beaucoup, essaie de dire des mots en prononçant des sons qui se rapprochent de ce qu’il veut dire; il crie quand il veut attirer l’attention. A 13 mois il répète beaucoup de mots (sons/syllabes) et on comprend; il imite les bruits des voitures et des animaux : l’association est faite dans sa tête. A 17 mois, dit sa 1ère phrase « c’est qui? » quand il veut savoir qui est là. Dès ses 18 mois, gros progrès en compréhension et langage verbal. Il est toujours à un stade plus avancé qu’elle à l’heure actuelle.

6. Y a t il des comportements associés à l’évolution du langage ?

Non je ne crois pas; le langage verbal se développe indépendamment des autres apprentissages ou évolutions (poussées dentaires, motricité…).

7. Remarquez-vous un parallèle entre le développement de la pensée et du langage chez vos enfants ? Est-ce pareil pour les deux ?

Je trouve que le langage évolue parallèlement à  une certaine maturité, un niveau de compréhension. Il est donc associé au développement de la pensée. Mais les bébés ont la pensée avant de pouvoir dire les mots, et chaque enfant arrive à exprimer verbalement ses pensées à son propre rythme.

Mon fils est plus mature, il comprend beaucoup de choses pour ne pas dire tout; il s’intéresse à tout; et son langage verbal est plus avancé.

Ma fille était plus « bébé » que son frère surtout jusqu’à il y a 5 semaines mais son niveau de compréhension du monde extérieur était équivalent à celui de son frère; cependant son langage verbal était peu développé : elle prononçait quelques mots comme « papa » et « maman », « tata ».

Puis en 5 semaines, son langage verbal a progressé en même temps que j’ai pu constater qu’elle a acquis en maturité.

8. Pensez-vous que cela aide le développement du langage chez vos enfants le fait d’être 2, d’être jumeaux ? Ou bien que cela les désavantage ?

Je ne pense pas que le fait d’être jumeaux est un avantage ou un inconvénient dans notre situation, car ils sont considérés comme 2 individus à part entière et non pas comme des deux êtres faisant partie d’un seul;  ils sont élevés comme des frères et sœurs, indépendamment de leur gémellité. Ils se comprennent très bien entre eux, mais cela n’a pas empêché qu’ils aient envie de communiquer avec les autres, principalement avec moi.

Cependant, on peut se poser la question concernant ma fille qui a évolué plus lentement que son frère en langage verbal : est-ce que le fait que son frère s’exprime lui a suffit pour communiquer avec « l’extérieur »?

9. A quel stade de langage sont -ils à ce jour? syllabes, phrases….

Aujourd’hui mon fils dit beaucoup de mots; il en apprend chaque jours et répète de plus en plus distinctement tout ce qu’il entend. Il commence de faire des phrases, utilise parfois les pronoms correspondant aux mots qu’il emploie, utilise certains verbes, (à l’infinitif). Emploie même certains mots pour blaguer.

Ma fille a progressé énormément ces 5 dernières semaines; elle répète des mots, pas toujours très clairement, mais se fait comprendre; elle ne fait pas de phrases, ou alors associe 2 mots de suite tout au plus. Elle essaie souvent de répéter des mots, mais ce ne sont pas les bons sons qui sortent. Souvent elle fait des « hmm » sur différents tons selon ce qu’elle veut dire.

10. Selon vous qu’est-ce qui stimule le plus le langage chez l’enfant ?

Selon moi, c’est l’environnement qui stimule le plus le langage chez l’enfant.

Je communique beaucoup avec mes enfants depuis qu’ils sont nés (et même avant), je leur parle beaucoup.

Depuis qu’ils sont dans l’apprentissage de la parole, je les stimule et je leur apprends à communiquer, en respectant le stade d’évolution de chacun d’entre eux, et bien sûr sans que cela ne soit excessif. Si ils prononcent mal un mot, je leur dit une fois le mot correctement, et je les encourage toujours.

Quand ils demandent quelque chose, je leur dit une fois la phrase qu’ils diront quand ils sauront parler; je sais que pour l’instant ce n’est pas dans leur capacités, mais ils enregistrent, et je sais que cela leur convient car ils sont attentifs.

D’ailleurs depuis plusieurs semaines, mon fils dit « merci » systématiquement et spontanément quand on lui donne quelque chose; d’ailleurs il ajoute même souvent le nom de la personne qu’il remercie (« merci maman »).

Christina, Juliette, Misia, Muriel.

LANGAGE ET PENSEE 1

Comment bien communiquer sa pensée par le langage ?

 

Jean Piaget (1896-1980) est un psychologue, biologiste, logicien et épistémologue suisse connu pour ses travaux en psychologie du développement et en épistémologie à travers ce qu’il a appelé l’épistémologie génétique.


L’éclairage qu’il apporte sur l’« intelligence », comprise comme une forme spécifique de l’adaptation du vivant à son milieu, sur les stades d’évolution de celle-ci chez l’enfant et sa théorie de l’apprentissage exerceront une influence notable sur la pédagogie et les méthodes éducatives.

 

L’épistémologie (du grec ancien epistếmê « connaissance, science » et lógos « discours ») désigne soit le domaine de la philosophie des sciences qui étudie les sciences particulières, soit la théorie de la connaissance en général.

 

Sa théorie est inspirée par la philosophie évolutionniste de Spencer et la philosophie de Kant. Elle est aussi une théorie constructiviste originale de la genèse de l’intelligence et des connaissances humaines qui permet à Piaget d’établir des liens étroits entre la problématique biologique de l’évolution et de l’adaptation des espèces et la problématique psychologique du développement de l’intelligence.

Selon Piaget, l’origine de la pensée humaine ne naît pas de la simple sensation, elle n’est pas non plus un élément inné. Elle se construit progressivement lorsque l’individu, et en particulier l’enfant, entre en contact avec le monde. Grâce à ces contacts répétés l’enfant développe des unités élémentaires de l’activité intellectuelle, appelés schèmes.

 

Dans sa théorie, il introduit la notion de schèmes, qui sont un ensemble organisé de mouvements (sucer, tirer, pousser…) ou d’opérations (sérier, classer, mesurer…) dont l’enfant dispose (dans le premier cas), ou qu’il acquiert et développe par son interaction avec le monde environnant.

Ces schèmes s’ancrent dans l’esprit, lorsque l’expérience les conforte, ou se modifient lorsqu’ils sont contredits par les faits (il nomme abstraction réfléchissante, cette abstraction, si celle-ci s’appuie sur des schèmes acquis précédemment dans un contexte différent).

À chaque fois que l’individu perçoit un objet (qui peut être physique ou une idée), il essaie de l’assimiler.

Si cette assimilation, c’est-à-dire l’intégration de l’objet à un schème psychologique préexistant échoue, alors commence un processus d’accommodation. En d’autres termes l’assimilation est un mécanisme consistant à intégrer un nouvel objet ou une nouvelle situation à un ensemble d’objets ou à une situation pour lesquels il existe déjà un schème, alors que l’accommodation est un mécanisme consistant à modifier un schème existant afin de pouvoir intégrer un nouvel objet ou une nouvelle situation.

 

Piaget tente de modéliser le développement de l’intelligence sur la base de principes logiques. L’enfant est un logicien en herbe, qui donne un sens aux objets en faisant émerger leurs propriétés et fonctions. Il réinvente le monde physique (constructivisme). Piaget parle d’actions extériorisées et intériorisées. Tout cela sont des conceptions physiques.

 

La logique et les mathématiques sont le raisonnement. Le raisonnement est la forme optimale de l’adaptation biologique, donc du cerveau.

 

(Source : Wikipédia)

 

 

Piaget divise le développement psychologique de l’enfant en plusieurs périodes, chacune elle-même divisée en stades, conditionnant le suivant. Les différents moments du développement sont :

  • La période de l’intelligence sensorimotrice (de la naissance à 2 ans), divisée en 6 stades.
  • La période de l’intelligence préopératoire (de 2 à 6 ans), divisée en 2 stades.
  • La période des opérations concrètes ou de l’intelligence opératoire (de 6 à 10 ans).
  • La période des opérations formelles (de 10 à 16 ans)

 

Les âges qui voient le passage d’un stade à l’autre sont indicatifs et basés sur une moyenne. Certains enfants peuvent commencer le passage du troisième au quatrième stade dès 10 ans alors que d’autres y parviendront vers 12 ans.

 

La fin de la première période est marquée par l’accès à la fonction symbolique. Lorsqu’il acquiert la fonction symbolique, le bébé est capable de se représenter des objets et situations non directement perceptibles à l’aide de signes (mots) ou de symboles (dessins). La fonction symbolique est tenue pour acquise lorsqu’on observe chez le bébé cinq types de conduites : l’imitation différée, le jeu symbolique, le dessin, l’image mentale et le langage.

 

La période de l’intelligence préopératoire (de 2 à 6 ans), est celle qui nous intéresse particulièrement si l’on tente d’établir un lien entre la pensée et le langage.

C’est à cette période que l’enfant développe fortement ses capacités langagières. Il est capable peu à peu de dialoguer.

Le langage et la pensée chez l’enfant Jean Piaget, première édition 1923

Extrait du chapitre 1 : Les fonctions du langage de deux enfants de 6 ans

« 23. Pie (à Ez qui dessine un tramway et sa remorque) : Mais ils n’ont pas de pavillons les trams qui sont accrochés derrière. (Pas de réponse)

24. (Parlant de son tram) : Ils n’ont pas de wagons accrochés… (Ne s’adressait à personne. Personne ne répond)

25. (A Béa) : C’t un tram qui a pas de wagons. (Pas de réponse)

26. (A Hei) : Ce tram a pas de wagons, Hei, tu comprends, tu comprends, il est rouge, tu comprends… (Pas de réponse)

27. (Lev dit à haute voix : « Un monsieur qui est drôle », à une certaine distance et sans s’adresser à Pie ni à personne).

Pie : Un monsieur qui est drôle ! (Il continue à dessiner son tram)

28. Pie : Le tram je le laisse blanc.

29. (Ez qui dessine de son côté dit : « Je le fais jaune »).

Pie : Non, y faut pas le faire tout jaune.

30. Pie : Je fais l’escalier, regarde. (Béa répond : « je peux pas venir cette après-midi, j’ai le cours de rythmique. »)

31. Pie : Qu’est-ce que tu dis ? (Béa répète la même phrase)

32. Pie : Qu’est-ce que tu dis ? (Béa ne répond pas. Elle a oublié ce qu’elle a dit et pousse Ro)

33. (A Béa) : Mais laisse-le.

34. (Mlle B. demande à Ez s’il veut la suivre). Ez, viens, c’est pas fini.

34 bis. Ez a pas fini, mademoiselle.

35. (Sans s’adresser à personne) : Je fais des cailloux noirs…

36. (Toujours sans s’adresser à personne) : Jolis… ces cailloux.

37. (A Ez) : Mieux que toi, hein ? (Pas de réponse : Ez n’a pas entendu la phrase précédente). »

On peut tirer de cet échange verbal entre enfants de 6 ans plusieurs fonctions au langage. Piaget en distingue 6 principales :

–       Le monologue, qui consiste à parler pour soi à voix haute, sans se croire/savoir écouté, sans s’adresser à personne.

–       Le monologue collectif, qui consiste également à parler pour soi, mais cette fois-ci avec la croyance et la satisfaction d’être entendu par un public indifférencié. Ici le point de vie de l’auditeur ne compte pas, sa seule présence et écoute suffit à combler celui qui parle.

–       L’information adaptée : c’est ce type de propos qui relie la pensée et le langage, puisque celui qui parle s’adresse à un interlocuteur désigné, et parle pour être compris. Cf. Phrases 23 et 34 bis.

–       Les critiques ou les ordres qui sont des échanges de nature plus subjective ou impérative.

–       Les questions et les réponses

–       Les répétitions dépourvues de sens

Il y a donc bien une manière d’exprimer la fonction de communication de la pensée chez l’enfant, par opposition aux fonctions diverses des catégories égocentriques.

Ce que Piaget note et qu’il est intéressant de remarquer à propos de l’information adaptée, c’est tout d’abord que c’est là qu’il y a véritablement dialogue.

On peut parler de dialogue lorsque « l’interlocuteur répond à une proposition, en parlant de l’objet dont il est question dans cette proposition ».

Une seconde remarque intéressante à faire concernant les propositions qui ont pour but de communiquer la pensée, c’est que les phrases prononcées dans ce but sont généralement beaucoup plus courtes que les autres phrases énoncées au cours d’un monologue, collectif ou non.

Il y aurait donc une corrélation à faire entre la concision des propos tenus et l’objectif de faire entendre et comprendre à autrui une pensée intellectuelle.

Enfin, Piaget relève que les informations adaptées ne touchent jamais à la causalité, c’est-à-dire à l’explication causale. L’enfant qui communique sa pensée dans un dialogue ne répond jamais à la question du « pourquoi », quand bien même il aurait une connaissance étendue de ces liens de causalités.

« Les relations causales restent inexprimées et pensées individuellement, probablement parce que la pensée enfantine se les représente par images plus que par mots ». Les images se passent d’explication, tandis que les mots appellent toujours un « pourquoi ».

On peut tenter de faire un parallèle entre la concision d’un propos et l’absence d’explications de causalités, et de les considérer comme des critères de communication de la pensée.

Autrement dit, pour bien communiquer une pensée par le langage, mieux vaut la faire courte et les images parleront d’elles-mêmes.

Un mode d’emploi pour votre prochain rendu … ?

 

Christina, Juliette, Misia, Muriel.